Voici les grandes dates qui ont fait l’histoire du mur de soutien à la Chambre d’Amour, âgé de plus de 86 ans:
Le premier quai de la Chambre d’Amour est construit en 1884, devant le premier établissement de bain situé à la petite Chambre d’Amour. A cette époque, la TERRE GAGNE sur l’océan à hauteur de 3 mètres par an, laissant imaginer un avenir paisible à ce quai. Des tamaris sont même plantés à côté de ce mur de soutien et des buissons poussent devant, sur la plage. Rien ne laisse présager que l’homme va perturber l’écologie du système des plages Angloyes.
– En 1893 débute les premiers essais de dragage à l’embouchure de l’Adour. A partir de 1896, 700 000 mètres cube de sable vont disparaître tous les ans des plages, soit l’équivalent de deux fois le volume de la Tour Montparnasse. Privée de son sable dragué, la côte Angloye voit sa tendance à l’engraissement s’arrêter et on constate le début d’une érosion dès début 1900.
– Deplus, en 1897, un arrêté préfectoral autorise l’extraction industrielle du sable à la plage de La Barre. 100 000 mètres cube de sables angloys disparaissent par la terre pour finir en matériau de construction.
– Le 09 Janvier 1924, première tempête qui fait date dans les annales locales. Ce cataclysme emporte tout sur la plage de la petite Chambre d’Amour, le quai mais aussi l’établissement de bain. Seul reste le bosquet présent derrière le bâtiment visible sur la première photo!
– En 1928, un nouveau mur de soutien est envisagé, mais cette fois-ci à la future plage du Club, c’est à dire non loin de la grotte pour recevoir le projet de la société foncière de Biarritz-Anglet, c’est à dire la construction d’un établissement de bain de standing avec piscine et parking.
Pour ce faire, il va y avoir un énorme travail de remblayage avec le sable des dunes du coin car le terrain se situe en dessous du niveau de la route. Ce nouveau mur, de forme incurvée, sera construit en belle maçonnerie mesurant jusqu’à 420 mètres de long et de 3 à 5 mètres de haut.
– En 1930, la villa Zipa, posée sur la pointe rocheuse de la Chambre d’Amour et qui jouxte le nouveau mur de soutien, est démontée et reconstruite dans un autre quartier suite à des affouillements survenus sur le mur qui la précède lors de la tempête du 25 Février 1929 et face à un océan toujours plus menaçant. Cette maison sera restée une dizaine d’années perchée sur son perron face à la mer. A la même époque, il est quand même décidé de prolonger de 930 mètres le mur du Club vers le nord de la côte soit jusqu’à la plage des Corsaires afin de créer une route littorale qui allait devenir le « plus beau boulevard côtier ».
– Toujours en 1930, on pense que l’abaissement de la plage de la Chambre d’Amour est lié aux extractions de sables opérés par les bouviers et charretiers qui en retirent tous les jours un petit peu plus à la pelle pour satisfaire la construction des villas d’Anglet et de Biarritz. Mais celles-ci sont interdites et ne sont plus autorisés que sur le site de la Barre à l’embouchure. L’inquiétude des investisseurs et des élus se fait de plus en plus sentir…
– Entre le 15 décembre 1931 et le 15 mars 1954, l’examen des délimitations du domaine maritime montre une érosion des plages angloyes de 50 à 75 mètres correspondant à un recul de 3 mètres par an. Durant cette période, aucun incident sur le mur n’est à déplorer mais le niveau de la plage devant le quai baisse. Les dragages à l’entrée de l’Adour continuent inexorablement ainsi que les extractions littorales, plage de La Barre.
– A partir de 1960, les volumes de sables dragués à l’entrée de l’Adour augmentent sensiblement. Ils passent de 300 000 m3 à 450 000 m3 et les extractions industrielles de sable qui opèrent au nord et au sud de l’embouchure se développent, passant de 200 000 à 400 000 mètres cube par an.
– En 1961, des dégâts sur le mur de soutien sont observés au niveau de la piscine de la Chambre d’Amour, mais sans gravité. La plage est descendue de plusieurs mètres et il faut maintenant rallonger les échelles pour accéder à la plage!
– Le 12 Mars 1963, l’océan taille une brèche dans le mur au niveau de la pointe de la Chambre d’Amour. Le quai est déchaussé sur une soixantaine de mètres et la route est menacée. Cette partie du mur est la plus exposée. Il est logique qu’elle soit touchée en premier.
– En Juin 1963, les réparations sont rapidement effectuées avec des blocs d’ophite qui font ainsi leur première apparition sur la côte angloye. Ces blocs sont issus de carrières situées dans l’arrière pays. Ils sont extrêmement denses et solides. C’est aussi durant cette année que débutent la construction de la grande digue du Boucau.
– En 1966, les travaux de la grande digue du Boucau se terminent et l’on constate amèrement qu’il faut maintenant draguer deux fois plus de sable pour libérer le chenal d’accès au port soit 700 000 mètres cube de sable angloy. La plage du Club continue de se désensabler de façon catastrophique et le mur devant l’établissement finit par s’effondrer le 23 Mai 1966 au niveau de la rotonde que forme le quai à cette endroit. Il faut reconstruire le mur dans l’urgence mais cet événement est une atteinte au patrimoine touristique de la côte basque que représentent les plages d’Anglet et une forte émotion s’empare de la population angloye. On s’interroge alors publiquement s’il s’agit là d’une conséquence de la construction de la digue nord de l’Adour…
– En juin 1966, il est décidé par le conseil municipal de reconstruire un mur 2 mètres en arrière de celui existant, avec un rideau de palplanches de 7 mètres de profondeur. Entre le nouveau mur et les palplanches, il y aura une poutre en béton armé! L’ancien mur à cet endroit sera ensuite détruit et remplacé par des blocs d’ophite afin d’éviter que la plage ne s’amaigrisse, évitant ainsi la réflexion de la houle contre le mur.
– En 1967, on aperçoit le mur fraichement reconstruit derrière les surfeurs lors de la compète Caron avec des personnes assises sur des blocs d’ophite installés au pied du mur.
– En 1968, le quai au sud de la piscine est consolidé sur toute la longueur avec de nombreux enrochements et on se rend compte que le paysage et le charme d’antan est en train de prendre une claque!
– En Novembre 1969, de nouveaux désordres du mur de soutènement sont constatés mais cette fois-ci à la plage de Marinella devant le fameux hôtel. La plage est descendue de 3 mètres, le pied du mur est sapé et les jets de vague passent par dessus le quai ou ce qu’il en reste.
Didier Cazaux, lycéen à l’époque, raconte: « Je me revois encore ce samedi de Novembre 69, un trou de 50 cm commençait à se former devant mes pieds à hauteur de Marinella. Chaque vague creusait sous les fondations du mur. J’y suis retourné le soir, le trou faisait alors 50 mètres de long. Le mur était incliné, prêt à tomber vers la mer. Le dimanche matin, ce n’était plus que des morceaux sur le sables que la mer finissait de découper.«
– En Juin 1972, un nouveau mur de béton armé et une petite digue sont construits devant le groupe d’immeuble des Sables d’Or et la piscine du Club soutenus par le système des palplanches.
– En Novembre 1972, une nouvelle érosion massive touche le littoral angloy. Les plages reculent par dizaines de mètres au nord de la côte angloye et le mur de soutien, d’une distance de 1350 mètres, est détruit sur 720 mètres soit 53% de sa longueur totale.
La situation devient critique pour l’hôtel Marinella qui risque basculer à tout moment. Le problème est complexe car il s’agit là d’un hôtel privé sur un terrain privé où les pouvoirs publics ne peuvent intervenir. Mais tout le monde souhaite trouver une solution positive pour sauver ce bâtiment faisant partie du patrimoine touristique local.
– En Février 1973, l’Etat réalise une protection de bloc ophitique pour l’hôtel Marinella mais le mur de soutien qui va du nord des Sables d’Or jusqu’aux Corsaires est abandonné.
– Durant l’hiver 1973-1974, des enrochements sont placés au nord-est du quai des Sables d’Or pour protéger latéralement les avancées de la mer par rapport aux groupes d’immeubles des Sables d’Or.
– Le 18 Novembre 1974, condamnation de l’Etat, propriétaire des infrastructures portuaires, par le tribunal administratif de Pau pour sa part de responsabilité dans l’érosion des plages d’Anglet suite à la construction de la digue nord et au dragage du sable à l’entrée de l’Adour. Après l’avertissement de Victor Mendiboure (maire d’Anglet) à l’Etat, des mesures sont prises par les services maritimes: arrêt des extractions littorales, mise en place d’un clapage côtier et construction de plusieurs épis pour empêcher le sable angloy de glisser vers l’entrée de l’Adour. Mais il faut encore du temps pour organiser ces mesures.
– En Décembre 1974, de nouvelles érosions massives ont lieu. La plage des Sables d’Or qui existait encore quelques mois auparavant a totalement disparu. L’abaissement de l’estran est estimé à 4 mètres. Les palplanches, fixées il y a un peu plus d’un an, sont apparentes et certaines déformées. Dans cette nouvelle urgence, un renforcement à l’aide de rochers est lancé pour combler les trous creusés par l’océan devant le mur .
Le muret au niveau de la piscine s’est fissuré puis affaissé sur une trentaine de mètres creusant une véritable tranchée. Deux des cabanas du Club ont été détruites et la piscine inondée. La municipalité a déposé des blocs de pierre en urgence pour faire face à de nouvelles intempéries mais cet épisode aura raison de la belle piscine du Club.
– En Février 1975, l’érosion gagne la plage du VVF avalant une partie des parkings.
– Une carapace de rochers d’une longueur de 370 mètres est formées pour protéger le village vacances que beaucoup voient déjà disparaître!
– Durant la même année, les premières mesures des services maritimes se mettent en place. On voit la construction du premier épi devant les Sables d’Or pour protéger le quai restant et la prolongation de la carapace de rochers de 65 mètres vers le sud à la plage du VVF.
– En 1976, la construction d’un deuxième épi devant la plage du Club fera disparaître la belle piscine sous les gravats et avec elle, s’envoleront tous les souvenirs d’été de plusieurs générations d’angloys.
– Un troisième épi sera crée au nord de la plage de Marinella afin de tenter de sauver l’hôtel en retenant au maximum le départ du sable vers l’embouchure.
– En 1977, on voit la construction de l’épi du VVF devant la pointe rocheuse de la petite Chambre d’Amour, de l’épi de la plage des Corsaires au niveau de la fin de l’ancien mur de soutien, et de l’épi des Cavaliers au sud de l’embouchure de l’Adour pour éviter que le sable ne glisse trop rapidement dans le chenal de navigation ou le sable est dragué. C’est ainsi qu’il n’y aura plus de « plage de la Chambre d’Amour » mais des petites plages délimitées par des enrochements: plage du VVF, plage du Club, plage de la Piscine du Club, plage des Sables d’Or, plage de Marinella, plage des Corsaires, plage de la Madrague…
Suite à ces importants travaux d’endiguement, on ne verra plus de départ massif de sable à Anglet. De plus, le clapage côtier mis en place en 1974 devient vraiment opérationnel à partir de 1976 et permet de maintenir les fonds devant les plages sud du littoral.
– En 1979, la nouvelle vague de consolidation des épis en blocs d’ophite pour protéger le mur de soutien est accompagnée d’un rechargement des plages situées entre les digues avec 70 000 mètres cube de gravier et 140 000 mètres cube de sable grossier extraits de la plage de Tarnos.
– En Décembre 1980, l’hôtel Marinella ne peut plus résister aux intempérie. Il est racheté par l’Etat et rasé.
– La plate forme d’enrochement qui protégeait l’hôtel sera enlevée en Février 1987 car elle aggravait l’érosion de la plage.
– Au début des années 1990, le pourcentage des sables dragués à l’embouchure de l’Adour et ramenés devant les plages est en constante baisse par rapport à la fin des années 70.
Ci-dessus en vert, le sable angloy ramené sur la côte, en rouge, le sable angloy perdu pour les plages. (cliquer sur l’image pour un agrandissement)
– Au début des années 2000, les petits fonds devant les plages d’Anglet s’effondrent à nouveau. Les musoirs des digues des Sables D’or et de Marinella en feront les frais et disparaîtront successivement en 2008 et 2009.
-A l’entrée de l’hiver 2013-2014, le littoral angloy a perdu plus de 5 millions de mètres cube de sable depuis le début des années 2000 lié la problématique du dragage de l’entrée de l’Adour. Il semblerait que les anciens élus aient eu une amnésie des événements historiques passés et qu’une nouvelle fois l’océan tire son épingle du jeu en se rapprochant un peu plus du mur de soutien.
– En Mars 2014, les incidents observés lors de la tempête Christine provoquent de nouvelles dégradations du mur de soutien et montrent que l’océan est là et qu’il frappe à la porte.
– En Novembre 2014, la ville d’Anglet reforme le mur d’enrochements devant le quai car des faiblesses sont apparues dans le mur de soutien.
– Le 09 Février 2016, la tempête Ruzica est venue heurter le mur de soutien durant la marée haute de la nuit à la Chambre d’Amour:
– Combien de temps ce vénérable mur de soutien va t’il tenir à la Chambre d’Amour, dernière portion encore debout?
L’équipe SoSLa
Bibliographie:
– « Etude de l’érosion de la côte basque » Alexandre A. Thèse bibliographie 2003 BRGM (RP-52370-FR et RP-52370-FRb)
– « La Chambre d’Amour » de Pierre Lafargue 2007
– « IV centenaire du détournement de l’Adour 1578-1978 » Société des sciences lettres et arts de Bayonne
– Archives Sud-ouest 1963, 1966, 1969, 1972, 1973 et 1974 Médiathèque Bayonne.
-Anglet Magasine, Pierre Hourmat, « La Chambre d’Amour à travers le temps » 1981.
Excellent article. Merci
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Très intéressant
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Mon dernier bain de mer, mon dernier bain de soleil à la Petite Chambre d’Amour: août 1970.
Une des 3 plages préférées de mon père australien avec Miramar et Ilbarritz.
Enfant, je me jouais des vagues avec ma petite planche en bois recourbé.
L’homme est vraiment un prédateur écologique, affecté d’une amnésie chronique!
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