Anglet Patrimoines
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La légende de la Chambre d’Amour

La légende de la Chambre d’Amour d’après le livre Promenades autour de Biarritz écrit par Alfred Germond de Lavigne (1812-1891) et publié en 1858

La grotte de la Chambre d’Amour

C’est ainsi qu’on rencontrait, à une époque dont la légende ne donne pas la date, Laorens et Saubade, deux beaux enfants qui s’aimaient et qui s’étaient promis l’un à l’autre. Laorens était d’Ustaritz, l’ancien chef-lieu de la république labourdine, où se tenait jadis, autour d’un chêne vénéré, l’assemblée des anciens du peuple, le Bilzaar. Son père était riche de cette richesse du pays, la plus estimée de toutes, qui consiste en beaux troupeaux, en terres bien cultivées. Saubade était l’enfant de modestes métayers d’Anglet. Dès qu’elle avait eu l’âge de raison, on l’avait envoyée à la ville avec un pauvre cheval et des cacolets, pour accroître, par quelques bénéfices quotidiens, les faibles ressources du ménage paternel.

Chaque matin, levé avant le jour, Laorens venait d’Ustaritz attendre sa maïthagarria (la bien-aimée de son cœur) sur le chemin d’Anglet, et l’accompagnait jusqu’à la ville, pendant que Brillant, le bon cheval, les suivait tranquillement en portant ses cacolets.

Le cacolet
Les cacolets sont les deux sièges de chaque coté du cheval

Chaque soir, après le travail de la journée dans les champs de son père, le jeune homme, à la suite du souper de la famille, prenait son bâton de néflier et s’élançait vers Anglet à travers champs. Il y a plus de trois lieues d’Ustaritz à Anglet ; Laorens, parcourait cette distance à pas précipités, franchissant les haies .et les murs de clôture, ne s’arrêtant à aucun obstacle , et chantant pour oublier la distance, quelque romance amoureuse comme celle-ci :

Tchori erresinola,
Hots emak eneki,
Maïtiaren borthala,
Biak algareki ;
Guero deklara izok,
Botz eztibateki,
Haren adiskidebat Badela hireki1.

* « Oiseau rossignol, viens avec moi jusqu’à la porte de ma bienaimée, ensemble, tous deux ; puis, fais-lui comprendre, arec une douce voix, qu’avec toi se trouve un de ses amis.
J’emprunte cette romance souletine à un volume intitulé Voyage en Navarre (Paris, 1836).

Dès qu’il touchait le territoire d’Anglet, Laorens s’arrêtait, respirait longuement et faisait vibrer l’air d’un cri éclatant, le sinka, le cri d’amour du Basque, un cri que je ne saurais noter pour vous le faire connaître. A ce signal un autre signal répondait une lumière paraissait un instant, puis disparaissait, à une métairie de la campagne, et le jeune homme reprenant sa course avec plus de rapidité, arrivait tout joyeux sous la fenêtre de Saubade.

Combien de nuits se passèrent ainsi pendant lesquelles Laorens, hissé sur quelques pierres, échangea avec sa maïthagarria ces longues causeries qui, toujours les mêmes, sont toujours nouvelles ! Il repartait avant le jour, en courant comme il était venu, et le matin, au soleil levé, son père le retrouvait aux champs, la main à la charrue, frais et dispos comme s’il n’eût pas quitté Yechaltea (le domaine).

Laorens fut bientôt aux yeux de tous le senargheï, le mari futur de la belle Basquaise ; mais le père de Laorens était riche, celui de Saubade était pauvre ; le riche cultivateur signifia à son fils qu’il s’opposerait-à un mariage, et le métayer intima à sa fille la défense d’ouvrir sa fenêtre chaque soir. Le jeune homme n’alla plus le matin attendre sa bien-aimée sur le chemin d’Anglet ; le soir, il ne fit plus retentir dans les airs le sinka amoureux, mais, en attendant qu’il put fléchir la rigueur paternelle, on le vit, à la chute du jour, errer sur le bord de la mer et vers ces dunes qui s’étendent entre l’embouchure de l’Adour et le phare.

Là s’ouvrait, au milieu d’un groupe isolé de rochers, une grotte que la mer envahissait dans les gros temps. La cacoletière passait près de là ; c’était le seul refuge où les deux pauvres enfants pussent se retrouver loin de la surveillance paternelle ; Laorens et Saubade y renouvelèrent, avec Dieu seul pour témoin, en présence de l’immensité, au bruit de la vague se brisant à leurs pieds, le serment de mourir en s’aimant.

Celte promesse fut, hélas ! Bientôt tenue. Un jour, l’orage grondait sur le golfe, l’horizon était sombre, les barques rentraient précipitamment au port comme s’abattent vers leur retraite les colombes effrayées : les goélands et les mouettes poussaient des cris sinistres en tournoyant au-dessus des roches ; la mer, soulevant ses montagnes liquides, faisait entendre au loin cette grande voix mystérieuse, précurseur de la tempête.

Les deux amants blottis au fond de la grotte, priaient Dieu de leur être favorable. Le jour baissait, les éclairs sillonnaient le ciel, la pluie tombait à torrents ; les pauvres enfants se croyaient loin du danger. Mais la mer, poussée par le vent du large, montait plus rapidement que de coutume, elle envahissait les sables, elle gagnait les roches, elle pénétrait dans la grotte et roulait les cailloux sur le sol.
Bientôt une lame furieuse s’abattit avec bruit aux pieds des deux amants et les couvrit d’écume. De ce moment la fuite n’était plus possible. Une seconde vague succéda à la première, puis vingt autres, et la grotte fut envahie.
La mer monta ; les pauvres enfants luttèrent un instant ; leurs plaintes, leurs cris ne furent entendus de personne, et le lendemain, lorsqu’on accourut à leur recherche, on les trouva étroitement embrassés, et couchés sur le sol où la mer les avait doucement déposés en se retirant.

On appela Chambre d’amour cette grotte fatale qui fut le but des pèlerinages amoureux de tout ce qui avait un cœur dans le pays, c’est-à-dire de la population entière. Bientôt la spéculation s’en mêla, et derrière la falaise s’élevèrent deux et trois auberges, presque toujours remplies de visiteurs, et que viennent habiter aussi quelques baigneurs chassés de Biarritz par la foule, par la cherté croissante de la vie, ou des curieux attirés par le voisinage de la résidence impériale.

Mais comme avec le temps tout change, la Chambre d’amour n’est plus aujourd’hui ce qu’elle était alors la mer s’en est retirée, et les sables l’ont envahie et comblée à demi. On n’y pénètre plus qu’en se courbant ; la voûte, qui peut avoir à l’entrée une hauteur de 5 à 6 mètres, diminuant graduellement jusqu’au fond , est habitée par une multitude de cloportes marins, et sillonnée de dates et de noms qui semblent vouloir apprendre à la postérité qu’après Saubade et Laorens bien des imprudents sont venus braver la fureur des flots.


Publié le : 1er février 2024
par : François Palangié

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