Anglet Patrimoines
L’association a pour but de recenser, de sauvegarder, de valoriser et de faire découvrir le patrimoine d’Anglet qu'il soit bâti ou non : Maisons, grandes propriétés, châteaux, fermes, églises, chapelles, écoles, moulins, lavoirs, fontaines, constructions militaires, historiques et industrielles, sites naturels …
Elle a également pour objectif de défendre l’environnement et la qualité de vie dans la ville d’Anglet. Pour ce faire, elle se donne le droit d’entreprendre toutes actions nécessaires, d’intenter tous recours, et d’ester en justice.

Accueil Événements Visites

Histoire de la forêt du Lazaret
Histoire de la forêt du Lazaret

Lors de la promenade du Lazaret que l’association avait organisé en avril 2019 notre guide avait évoqué l’histoire de cette forêt. Certains participants ont voulu en savoir plus et nous avons rédigé cet article à leur intention.
Vous trouverez aussi sur ce site les photos de cette promenade et un résumé de la présentation de notre guide consacré à la gestion de cette forêt.

Les plantations de pins sur la dune du Lazaret ont eu lieu entre 1630 et 1640. C’est un des multiples travaux que la ville de Bayonne avait entrepris pour tenter de canaliser le cours de l’Adour qui, après le travaux de Louis de Foix en 1578, avait son embouchure à la Barre mais se déplaçait sans cesse vers le sud, allant même, un jour, jusqu’à la Chambre d’Amour.

Pour que tout soit clair, nous allons reprendre l’histoire des vagabondages de l’Adour depuis le début.

L’Embouchure à Capbreton

Le boucau de Capbreton

L’embouchure de l’Adour s’est déplacée de nombreuses fois au cours des siècles et nous ne retiendrons que les plus récentes. Du XIIe au XIVe siècle l’Adour se jette à Capbreton au niveau du « Gouf », un canyon sous-marin extrêmement profond et pentu qui ne risque pas d’être ensablé et ne permet pas la formation de déferlantes, qui se produit quand des vagues venant du large arrivent sur un haut fond.

Le fleuve a creusé son chenal dans les marais, débouchant d’étang en étang : étang long, étang blanc, de Garros et d’Ondres, poursuivant son parcours derrière les dunes jusqu’au "Boucaut de Capbreton".

Pendant cette période, qui recouvre celle de la domination anglaise, la distance de 18km qui sépare Bayonne de Capbreton n’est pas un obstacle pour son commerce maritime qui est alors très prospère : Construction de navires pour les Anglais, exportations de vin, de bois, de pastel, de brai…

Pour éviter toute concurrence avec les landais, Bayonne leur interdit de se livrer à des activités portuaires à Capbreton.




Le Vieux Boucau vers Messanges

On raconte que c’est un cataclysme qui a dévasté tout le Sud-Ouest au début du XIVe siècle (la date en a été perdue dans les mémoires : 1310 ou 1330 ?) qui, survenant au moment de la fonte des neiges, a gonflé en quelques heures tous les affluents pyrénéens de l’Adour et transformé le fleuve en une masse torrentielle irrésistible d’eaux boueuses. En même temps, la tempête déchaînée sur l’océan devant Capbreton accumulait sur la côte des masses de sable au point de former une barre face au Gouf, empêchant brusquement la sortie en cet endroit.

Port d’Albret, le vieux Boucau

L’Adour se précipita alors vers le Nord sur une largeur de 400 m, arrachant tout sur son passage, traversant Ondres et le pays de Labenne, engloutissant les étangs voisins, absorbant le lac d’Hossegor, ravageant le territoire de Soustons pour trouver enfin au Plecq, un quartier de Messanges, l’issue qui lui permettait de se jeter dans l’océan.

Le calme revenu, un nouveau cours de l’Adour était né, long de 28 km au-delà du tournant de Bayonne et se terminant par une nouvelle embouchure : le Boucaut de Marensin (Vieux-Boucau maintenant) et donc par un nouveau port à qui on donna le nom de Port-d’Albret. Une sortie secondaire demeurait toutefois à Capbreton, mais rarement praticable pour les navires un peu importants.

Les bayonnais qui furent sauvés de cette façon d’une inondation catastrophique se trouvaient d’un seul coup à une trentaine de kilomètres de l’embouchure de leur fleuve, avec sur le dos la concurrence imprévue de populations portuaires fort actives à Port-d’Albret et à Capbreton, tout de suite prêtes, bien entendu, à profiter de cette nouvelle position pour les ruiner.

C’est une lutte d’influence sans pitié, et on en vient même aux mains entre Port d’Albret, Capbreton et Bayonne après que les landais aient essayé d’obstruer le canal avec des engins de pêche.

Si Bayonne réussit à s’assurer des privilèges compensateurs sur le commerce maritime de ses deux petites cités rivales, la métropole bourgeoise souffre dans son activité traditionnelle et périclite.

Le « détournement » de l’Adour par Louis de Foix en 1578

Le boucau neuf : La Barre

Après la guerre de cent ans les Bayonnais harcèlent les rois successifs pour trouver une solution :

  • Louis XI, par un droit de taxe sur les marchandises entrant dans les ports de Capbreton et Port d’Albret.
  • Charles IX qui ordonne en 1562 de rechercher la solution pour donner au fleuve une embouchure à Bayonne. Et on peut commencer à creuser un chenal direct à la mer.
  • En 1571, le roi désigne l’ingénieur Louis de FOIX pour diriger les travaux. Celui-ci y dresse un devis très complet des travaux et en obtient à Paris le financement. On termine bientôt le creusement du chenal vers l’Atlantique et on construit un barrage à Trossoat, à trois kilomètres de Bayonne, là où le fleuve se tournait à angle droit vers le Nord.

Ces travaux s’exécuteront sous le règne d’Henri III selon le plan prévoyant que...

« La fermeture de la rivière aura une largeur 300m. Il faudra faire une bonne charpenterie propre à supporter le fardeau de ladite rivière. Elle comprendra trois rangées d’arbres équarris, ferrés par le bout, qui seront enfoncés de 2m au moins dans le sol, soixante-quinze piliers par rangée ».

Des difficultés de tous genres surgirent, et capbretonnais et boucalais firent de leur côté l’impossible pour contrarier les travaux et, c’est une violente tempête qui va tout régler : la Nive déferle en une crue subite, menace d’engloutir toute la ville de Bayonne où l’eau arrive jusqu’au premier étage des maisons, mais une formidable chasse d’eau pousse l’Adour qui ouvre le nouveau passage.

Le 25 octobre 1578, Louis de FOIX venait de réussir le « détournement » de l’Adour.

Les divagations de l’Adour, de la Barre à la Chambre d’Amour

Depuis 1578, l’embouchure de l’Adour est revenue à Bayonne mais elle ne cesse de s’ensabler. Il y a un véritable delta sur toute la zone où se trouvait l’ancien hippodrome (aujourd’hui le parc IZADIA et la Thalasso Atlantal et le golf) où il faut sans arrêt draguer de nouveaux chenaux. Les lacs de l’hippodrome et de Chiberta sont des vestiges de ces anciens chenaux.

La barre qui a donné son nom à cette embouchure désigne l’amas de sable charrié par le fleuve qui crée un haut fond et provoque des déferlantes et non les déferlantes elles-mêmes.

Adour 1738 : Les digues

Pour lutter contre l’ensablement, on a enserré le fleuve entre des digues pour augmenter sa vitesse et chasser le sable. On peut voir sur ce plan des digues déjà construites, constituées de madriers de bois plantés dans le sol, et d’autres encore en projet, sans grand succès puisque la barre se reconstitue à l’extrémité des digues. Depuis 400 ans on est toujours à la recherche d’une solution et il faut draguer sans arrêt : Bayonne serait-elle ainsi punie d’avoir « volé » le fleuve aux landais ?
Mais l’Adour est encore allée plus loin vers le sud : en passant derrière les dunes, elle est allée jusqu’à la Chambre d’Amour, et le lac de Chiberta est une trace de son passage.

La plantation de la forêt du Lazaret

Avant 1649, l’endroit où se trouve l’actuelle forêt du Lazaret était une dune qui, comme le font toutes les dunes, se déplaçait au gré du vent. Avant même de construire les digues que nous avons vu sur le plan de 1738, il était important pour les édiles bayonnais de fixer cette dune en y plantant des pins pour stabiliser les berges de la rivière et arrêter la progression des sables.

Le "Bois de pins de la ville" , Forêt du Lazaret en 1700

Sur le plan de 1700 cette forêt est appelée « Bois de pin de Bayonne » et a une taille relativement modeste.

Plan d’Anglet de 1874

Sur le plan d’Anglet de 1874, elle a bien grandi et apparait alors sous le nom de « Pignada de la commune de Bayonne  » par opposition au «  Grand Pignada de la commune d’Anglet  » auquel elle est maintenant contigüe.

Le Lazaret

Un lazaret est un établissement où sont mis en quarantaine les marins susceptibles d’avoir contracté une maladie contagieuse. Entouré de hauts murs il contient toutes les facilités nécessaires à la vie de ses pensionnaires : boulanger, marchand de vin... et même à leur mort puisqu’il contient un cimetière.

Le lazaret de Bayonne que l’on voit sur la carte de 1874 a été construit en 1822. Ducéré, dans son « Histoire Maritime de Bayonne » en relate les circonstances :

Il n’y avait pas que la désertion, les naufrages, les combats et les captures faites par les vaisseaux ennemis, qui eussent le pouvoir de décimer les équipages des corsaires de Bayonne, cette grande réunion d’hommes sur des navires assez petits : les longues croisières qu’ils faisaient sur des mers lointaines déterminaient sur leur bord de fréquentes maladies épidémiques qui se déclaraient avec une violence extrême.

La ville de Bayonne fut épouvantée par une sorte de typhus ou de peste qui se déclara à bord du corsaire « le Constant ». Ce malheureux navire fit d’abord naufrage dans la baie de Saint-Sébastien, et son équipage, transporté a Bayonne, fut arrêté à l’entrée de l’Adour et soigné dans un baraquement construit à cet effet.
...
Un peu plus tard, ce fut le tour du corsaire « le Chevalier de Barreau », et le Corps de ville, tremblant pour la salubrité du pays, se décida à faire construire un lazaret, auquel durent contribuer les armateurs de 28 corsaires de Bayonne, « pour faire un fonds de six mille livres à prendre par canon de 4 livres de balles, c’est-à-dire sur le
nombre des canons que chaque corsaire portera, laquelle somme sera destinée à l’établissement d’un hôpital maritime au Boucau, garni et fourni de meubles et ustensiles nécessaires au service des malades, et pour l’usage des infirmiers dudit hôpital.

Pour déterminer la position du lazaret, nous avons superposé une carte de Google Maps avec celle de 1874 et pour donner une idée de sa taille nous avons dessiné son contour sur une vue en perspective. Le plan montrant les bâtiments à l’intérieur est tiré du cadastre napoléonien.

Position et taille du lazaret - Détails

Le lazaret était entouré d’une double enceinte de murs de 9 mètres de haut et ses dimensions (mesurées avec Google Maps) sont de 220m sur 110m. Les bâtiments que l’on voit sur le bas de l’image sont les abattoirs du BAB où se situait vraisemblablement le cimetière, puisque l’on a trouvé des squelettes lors de sa construction.

La promenade du Prince impérial

Le prince impérial qui a donné son nom à cette allée était le fils unique de Napoléon III et l’impératrice Eugénie de Montijo, nommé Napoléon-Eugène-Louis-Jean-Joseph Bonaparte, dit Louis-Napoléon, né le 16 mars 1856 à Paris.

Ses parents qui séjournaient à Biarritz en 1854, année où ils y firent construire la villa Eugénie, l’actuel Hôtel du Palais, étaient venus prier au monastère des Bernardines pour avoir un enfant.

Le père Cestac leur aurait alors prédit qu’il aurait prochainement un fils, ce qui arriva. L’empereur fut très reconnaissant au père Cestac de cette naissance et l’aida à faire prospérer le domaine du Refuge, ainsi que la commune d’Anglet, notamment en lui fournissant des graines de pins maritimes afin de stopper l’avancée des sables et de stabiliser les dunes. Les principaux semis furent exécutés en 1857 et 1861 le long des plages et dans le Pignada.

Naploéon III et le père Cestac

Engagé volontaire dans l’armée britannique, le prince impérial est décédé à l’âge de 23 ans, en juin 1879, tué par les Zoulous, en Afrique du Sud, au cours d’une patrouille lors de la guerre anglo-zouloue. Sa dépouille, ainsi que celles de son père et de sa mère, reposent dans le sud de l’Angleterre, à l’abbaye Saint-Michel de Farnborough que l’impératrice avait fait bâtir.

La balise

Balise au sommet de la forêt du Lazaret vue du Boucau

Plantée au sommet de la dune cette balise, visible de très loin, servait à indiquer le chenal d’entrée de l’Adour qui se déplaçait sans cesse. Un navire entrant vers Bayonne devait aligner cette balise avec une autre placée en fonction de la position du chenal.

La balise

La forêt du Lazaret aujourd’hui

Grignotée par les résidences et la zone industrielle la forêt ne fait plus qu’une vingtaine d’hectares.

Le terminal soufrier

Port de Bayonne, quai du soufre avec la forêt du Lazaret en arrière-plan

Le gaz naturel de Lacq est découvert en 1951. Le soufre qui en est extrait est à l’origine du développement du port de Bayonne. D’importantes infrastructures pour acheminer le soufre et expédier le pétrole brut sont mises en place dans la zone de Blancpignon, dès 1957, dont un terminal soufrier de la SNPA (futur Elf Aquitaine).
De 1958 à 1963 : le trafic triple pour atteindre les 2,1M de tonnes.

Trois convois ferroviaires par semaine, entre Lacq et Bayonne, acheminent le soufre du Béarn vers le port de Bayonne, où il sera ensuite chargé sur des cargos.
C’est le fameux train du soufre.

Depuis les années 2000, les exportations de soufre décroissent au même rythme que la production de gaz. Aujourd’hui, la production de soufre à partir du gaz de Lacq est arrêtée.

Mais, les clients maintenant leur lien, l’activité ne cesse pas pour autant. Le soufre va maintenant être importé sur la zone par bateaux sous forme solide. Il sera fondu à Bayonne à une température de 140 degrés, avant d’être envoyé, par la route ou le rail, vers les clients comme l’industriel de la chimie Arkéma, désormais premier employeur du Bassin de Lacq ou comme la société Adisseo, spécialiste de la nutrition animale basée dans la Vallée du Rhône.

Cette reconversion se traduit concrètement par de nouvelles installations : un nouveau fondoir à soufre a été mis en place sur la zone Blancpignon le 4 février 2013.


Publié le : 21 avril 2024
par : François Palangié

Imprimer
envoyez à vos amis
Envoyer à un ami
Accueil | Plan du site | En résumé | Statistiques | Déconnexion | Administration